Le “Grand Remplacement” : un obscurantisme de plus qu’il faut combattre

Hier matin étaient inhumées les premières victimes de l’attentat qui a visé la semaine dernière deux mosquées de Christchurch en Nouvelle Zélande. Cette attaque barbare a endeuillé la communauté musulmane et le monde après le massacre de 50 fidèles lors de la prière du vendredi.

J’ai condamné ces attaques ignobles qui démontrent une fois de plus que la folie meurtrière frappe partout et tout le monde. A la barbarie aveugle je suis convaincue qu’il nous faut répondre en portant plus haut encore ce qui fait le socle de notre République et de nos valeurs : la tolérance, le respect, le vivre ensemble.

Le “grand remplacement” est un obscurantisme qu’il faut combattre

Cette barbarie aveugle et le terrorisme se nourrissent de l’obscurantisme. Il peut revêtir plusieurs formes qu’il convient, absolument toutes, de combattre sans sourciller. L’obscurantisme peut être religieux, quand il nourrit par exemple le terrorisme islamiste, qu’il faut combattre sans relâche et avec la plus grande fermeté.

L’obscurantisme revêt aussi d’autres habits, parfois plus discrets et insidieux, notamment à travers les théories complotistes qui pullulent sur les réseaux sociaux et sont en particulier alimentées par l’extrême droite. C’est une autre forme d’obscurantisme à laquelle il faut opposer tout autant de fermeté et de détermination.

Le “grand remplacement” fait partie de ces théories fumeuses.

A Christchurch, les folles idées du “grand remplacement” comme justification du pire

Brenton Tarrant, un suprémaciste australien de 28 ans à l’origine des tueries de Christchurch, s’est ainsi ouvertement réclamé de cette théorie complotiste fumeuse du “Grand Remplacement”. Il en a fait l’apologie dans le “manifeste” qu’il a publié en ligne avant de passer à l’acte.

Le “grand remplacement” c’est la grande escroquerie intellectuelle d’une tradition d’extrême droite qui vise à nommer un ennemi intérieur ou extérieur et d’en faire son petit commerce politique. C’est une théorie aussi fausse que malhonnête, et surtout une théorie extrêmement dangereuse.

Elle a été popularisée en France par l’écrivain Renaud Camus – condamné pour provocation à la haine suite à ses propos sur les musulmans – mais remonte en vérité à plus loin et notamment aux travaux de Maurice Barrès qui fondent le socle idéologique du nationalisme avec notamment L’Appel au Soldat paru en 1900. A cette époque déjà, pour l’extrême droite et les nationalistes, l’ennemi c’est “l’étranger” – comprendre “le juif” – dont le machiavélique dessein consiste à se substituer au peuple et à vider et détruire “l’âme de la France”. On sait ce que ces théories mortifères ont donné mais l’histoire ne semble pas riche d’enseignements pour tout le monde puisque la logique et les fantasmes qui sous-tendaient ces théories déjà fumeuses à l’époque ont perduré.

“Grand remplacement” : une théorie raciste, fausse et dangereuse

Aujourd’hui, la théorie du “grand remplacement” a été vidée de sa substance antisémite pour épouser et servir d’alibi à une autre abomination : l’islamophobie.

Ainsi, les défenseurs de cette théorie se réfèrent aujourd’hui à une pseudo réalité démographique arguant que du fait de l’immigration et de la natalité, la population “Française” serait à terme inéluctablement “remplacée” par les immigrés.

C’est une théorie raciste. Un Français est Français, point. Je veux condamner de manière catégorique les discours qui laissent entendre une prétendue différence entre les “Français de souche” et les “Français de papier”. Nous sommes tous Français à part entière.

Une équipe de France victorieuse et qui a rendu fier une nation entière, mis à part Renaud Camus et ses adeptes.

C’est une théorie fausse. La population “immigrée” ne représente qu’une partie infime de la population générale, comme le rappelle Le Monde dans ce très bon article.

C’est enfin une théorie conspirationniste qui prospère sur l’insécurité culturelle d’une partie du pays en faisant commerce de ses fantasmes : des “élites remplacistes” à la manoeuvre d’un “grand plan secret” avec, bien sûr, des complices.

Quand l’insécurité culturelle est alimentée par les médias et les politiques

Dans les médias, dans les discours politiques, l’imaginaire autour du “grand remplacement” a bon dos. La peur de l’autre, d’après certains, fait vendre et fait voter. Elle prospère sur les fantasmes d’une France qui se craint trop petite et trop vulnérable pour exister dans le monde d’aujourd’hui, qui est plus ouvert et plus pluriel. Mais la France n’est ni petite ni vulnérable, et elle s’est au contraire illustrée depuis les Lumières par son esprit de liberté, son humanisme et sa tolérance. C’est cela “l’âme de la France” que je continuerai à défendre.

Je suis donc outrée quand je constate que de grands médias se rendent complices de ce discours mortifère. La presse doit être libre et doit pouvoir tout dire, même les choses qui fâchent. “Je ne suis pas d’accord avec vous mais je me battrai pour que vous puissiez le dire” : je partage pleinement cette philosophie. Mais elle ne doit pas justifier de faire prospérer des discours et idées qui sont faux et délétères : au contraire, la presse doit permettre de les déconstruire et de les combattre (et de nombreux journalistes le font heureusement) !


La responsabilité est grande aussi chez les élus et “responsables” politiques qui font commerce de cette peur larvée. Je n’ai même pas besoin de revenir sur les propos indécents tenus par de multiples représentants du Rassemblement national dont Marine Le Pen, mais y compris par Laurent Wauquiez ou Nicolas Dupont-Aignant.

L’obscurantisme tue. Alors combattons-les tous.

Les attentats de Christchurch démontrent froidement que le terrorisme, la folie meurtrière, la haine n’ont ni de couleur ni de religion. Il faut tous les combattre. Et, pour mener ce combat, il est important que nous ne laissions pas la place aux discours et aux théories qui enfument et font peur.

Vous pouvez compter sur ma pleine détermination en ce sens. La haine, sous toutes ses formes, n’a pas sa place dans la République.

“Y a pas de couleur pour aimer, pas de couleur pour souffrir”

Kery james

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