L’accuser d’acte de guerre et la poursuivre en justice parce qu’elle est passée outre un blocus maritime est indécent. Il n’y a pas de “délit d’humanité”.
Nous devrions lui dire “merci”. Et pourtant, depuis l’accostage en urgence du Sea Watch 3 sur les côtes italiennes dans la nuit de vendredi à samedi avec 40 migrants naufragés à bord, la capitaine Carola Rackete est la cible des pires attaques.
Alors que depuis 2014 plus de 15.000 migrants ont péri en mer Méditerranée, accuser cette femme d’acte de guerre et la poursuivre en justice parce qu’elle est passée outre un blocus maritime est indécent. Cet épisode n’invoque-t-il pas des considérations autrement plus importantes?
Au contraire, je crois que nous devrions remercier Carola Rackete de faire en Méditerranée ce que les États ne font pas. Si les dirigeants européens avaient pris la juste mesure des enjeux, nous n’aurions pas eu besoin d’une Carola Rackete, d’un Sea Watch 3, d’un Aquarius.
La coordination des autorités officielles pour les sauvetages en mer Méditerranée est aujourd’hui clairement défaillante: renvoyer la responsabilité opérationnelle et humanitaire à la Libye n’est pas une bonne stratégie. L’Europe doit donc revoir sa copie et, en attendant, Carola Rackete et ses homologues ont fait le choix de faire primer la vie humaine. De quoi voudrions-nous les rendre coupable? Il n’y a pas de “délit d’humanité”.
Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher de faire preuve de réalisme et de protéger nos frontières. Les idéalismes naïfs et les bonnes intentions ne font que donner du crédit à l’extrême droite.
La France a toujours porté haut les valeurs d’humanisme et de solidarité, c’est sa tradition et son honneur. Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher de faire preuve de réalisme et de protéger nos frontières. Les idéalismes naïfs et les bonnes intentions ne font que donner du crédit à l’extrême droite, aux nationalistes, et en cela ils ne constitueront jamais une solution.
La France a pris l’initiative en Europe depuis 2 ans sur les enjeux migratoires, pour amorcer la création d’une réelle politique migratoire européenne, pour renforcer Frontex, pour revoir le règlement Dublin, pour créer un office européen de l’asile. Il est essentiel de poursuivre ce travail et, alors que les élections européennes du 26 mai ont rebattu les cartes, de faire entendre face aux Salvini et Le Pen une voix différente: celle qui saura conjuguer la nécessaire responsabilité dans le contrôle rigoureux de nos frontières et l’obligation d’humanité face au drame qui se joue, notamment, en Méditerranée.
Retrouvez cette tribune publiée dans le Huffington Post mardi 2 juillet 2019.